En ce dimanche midi, c’était le monde à l’envers. J'étais installé, seul, à une grande table recouverte d’une nappe en soie blanche et brodée de motifs chinois, les petits plats dans les grands. De chaque coté les couverts en argent, pour le poisson, pour la viande, pour je ne sais quoi d’autre, sans oublier ceux du dessert. Deux verres à pied en cristal étaient accompagnés d’une flûte. Une petite assiette à ma gauche supportait un pain rond et délicieusement odorant. Au centre de la table une immense corbeille débordait de fruits à coté d'un chandelier à douze branches.
Pour me servir, un homme dans la cinquantaine, habillé en majordome à la différence qu’il avait l’arrière entièrement dénudé. C’était un grand patron de l’industrie qui devait avoir des milliers d’hommes sous ses ordres et qui allait être mon larbin l’espace de quelques heures, peut être pour se faire pardonner d'être aussi dur avec ses employés. Sur cette table se trouvait un ustensile inhabituel. C’est un tapette en cuir épais et rigide ornée de pointes acérées, comme mes doigts purent le constater. L’homme approcha une bouteille du meilleur vin et me servit, mais dans sa maladresse il en reversa à coté. Je ne crus pas à sa maladresse, tout ça était un jeu bien huilé et il n'était pas très bon acteur. J’ordonnai qu’il se retourne pour me présenter son postérieur, je me saisis de la tapette et le punis d’un coup sur chaque fesse. Je ne tapai que du coté opposé aux pointes mais je le prévins que ma patience avait des limites.
Il apporta l’entrée, une cassolette de Saint Jacques gratinée avec chapelure et champignons qu’il déposa devant moi. Je me saisis de la tapette et lui demandai de se tourner. Il protesta :
- mais, je n’ai rien fait, maître !
- C’est en prévision de tes prochaines bêtises. Penche-toi !
Ceci me vaudra certainement un bon pourboire. Je sentis alors la vibration de mon téléphone dans ma poche. J’avais envie de répondre mais je ne pouvais me le permettre. Heureusement que j’avais coupé la sonnerie. Il vibra quelques instants puis se calma. Mais il recommença presque immédiatement. Je restai impassible espérant que le monsieur ne se serait aperçu de rien, j’aurais du le couper avant d’arriver. Au bout d’un moment de calme une dernière vibration caractéristique de l’arrivée d’un message. Je profitai d’un moment où l’homme était reparti dans la cuisine pour regarder qui m’avait appelé, c’était Alexandre. Rien que le fait de voir son nom s’afficher m’emplit de joie. J’hésitai entre écouter son message tout de suite ou attendre la fin de ma mission, il serait plus prudent d’attendre mais j’aimerais tant entendre sa voix. Alors que l’homme revenait je coupai le portable et le fourrai dans ma poche.