- T'aurais pu manger, me dirent-ils. Tu t'es privé pour rien.
En tirant sur sa chaîne qui était restée vide depuis des journées interminables pour moi et lui avoir remis le collier en fer autour de cou, ils l'assirent devant la table et lui apprirent que,
tout comme lui, faisait un paquet de jours que je ne touchais plus à la nourriture mais, qu’après s’être rassasié, il allait pouvoir me nourrir. Devant l'air interdit d'Alexandre qui se demandait
comment faire, ils lui signifièrent qu'il n'aurait qu'à se débrouiller et ne lui délièrent pas les mains du dos. Pensant à moi et à ma faim avant de penser à lui et à la sienne, il prit une
bouchée en plongeant directement sa gueule ouverte dans le plat et vint me l'apporter. Ce fut une erreur. Ce que nos bourreaux ne lui avaient pas dit c’est qu’il n’avait droit qu’à un seul
passage de la table à la cellule. Alors qu’en toute innocence il s’approchait, bouche pleine, de moi pour me donner la becquée, ils tendirent la chaine l’empêchant de retourner à la nourriture
qui ne lui tendait plus les bras.